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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/231

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GEORGE.

Les choses iraient bien autrement.

GŒTZ.

Pas autant qu’on pourrait croire. N’ai-je pas connu, parmi les princes, des hommes excellents, et la race en serait-elle éteinte ? Hommes bienveillants, qui trouvaient le bonheur en eux-mêmes et dans leurs sujets ; qui pouvaient souffrir à côté d’eux un noble et libre voisin, et ne le craignaient ni ne l’enviaient ; dont le cœur se dilatait, quand ils voyaient beaucoup de leurs égaux autour de leur table ; et qui n’avaient pas besoin de façonner d’abord les chevaliers en courtisans, pour vivre avec eux.

GEORGE.

Avez-vous connu de pareils seigneurs ?

GŒTZ.

Sans doute ! je me souviendrai toute ma vie d’une chasse que donna le landgrave de Hanau, et du repas que les princes et les seigneurs qui y assistèrent prirent en plein air, et de la foule des paysans accourus pour les voir. Ce n’était pas une mascarade, qu’il eût arrangée pour en tirer vanité. Mais ces têtes rondes des jeunes garçons et des jeunes filles, toutes ces joues vermeilles, et ces hommes à leur aise, et ces beaux vieillards, et tous ces joyeux visages !… Et comme ils prenaient part à la magnificence de leur maître, qui se réjouissait au milieu de son peuple sur la terre de Dieu !

GEORGE.

C’était là un seigneur accompli, comme vous !

GŒTZ.

Nous est-il défendu d’espérer que plusieurs princes tels que celui-là pourront régner en même temps ; que le respect de l’empereur, la paix et l’amitié des voisins, et l’amour des sujets, seront le plus précieux trésor de famille, qui se transmettra aux neveux et aux arrière-neveux ? Chacun garderait son bien et l’augmenterait par ses propres ressources, au lieu que maintenant on ne croit pas s’enrichir, si l’on ne ruine pas les autres.

GEORGE.

Après cela, monterions-nous encore à cheval ?