Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/244

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seras bientôt le beau-frère d’un électeur. Je comptais sur ton bras pour cette entreprise.

GŒTZ, regardant sa main.

Ah ! voilà le sens du rêve que je fis, la veille du jour où je promis Marie à Weislingen. Il me promettait sa foi, et me serra si fort la main droite, qu’elle se détacha du brassard, comme brisée. Ah ! je suis maintenant plus désarmé que le jour où elle me fut emportée. Weislingen ! Weislingen !

SICKINGEN.

Oublie un traître. Nous saurons anéantir ses projets, miner son crédit, et le remords et la honte le consumeront jusqu’à le faire mourir. Je vois, je vois en esprit mes ennemis, tes ennemis, écrasés. Gœtz, je ne veux que six mois.

GŒTZ.

Ton âme prend un essor sublime. Je ne sais, depuis quelque temps, il ne s’ouvre dans la mienne aucune riante perspective. J’ai été déjà plus malheureux, j’ai été prisonnier, et je n’éprouvai jamais ce que j’éprouve à présent.

SICKINGEN.

Bonheur donne courage. Allons voir ces perruques. Elles ont eu la parole assez longtemps : prenons-en la charge une fois. (Ils sortent.)

Le château d’Adélaïde.

ADÉLAÏDE, WEISLINGEN.
ADÉLAÏDE.

C’est odieux.

WEISLINGEN.

J’en ai grincé les dents. Un si beau projet, si heureusement accompli, et, à la fin, le laisser dans son château ! Maudit Sickingen !

ADÉLAÏDE.

Ils n’auraient pas dû céder.

WEISLINGEN.

Ils étaient cernés. Que pouvaient-ils faire ? Sickingen, l’homme orgueilleux et colère, menaçait du fer et du feu ! Je le hais. Son crédit s’accroît, comme une rivière qui a englouti deux ou trois ruisseaux : les autres suivent d’eux-mêmes.