Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/249

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ÉLISABETH. Elle prend le manuscrit.

Ne sois pas bizarre ! Tu en es justement à ta première captivité de Heilbronn.

GŒTZ.

Ce fut pour moi de tout temps un lieu fatal.

ÉLISABETH. lit.

« Il y eut même quelques-uns des alliés qui me dirent que j’avais agi follement de me présenter devant mes plus cruels ennemis, puisque je pouvais supposer qu’ils n’useraient pas de ménagements avec moi : à quoi je répondis… » Eh bien, qu’est-ce que tu répondis ? Écris la suite.

GŒTZ.

Je dis : « Je risque ma peau si souvent pour l’avantage et l’argent des autres : ne devrais-je pas la risquer pour ma parole ? »

ÉLISABETH.

C’est bien ta renommée.

GŒTZ.

Ils ne me l’ôteront pas ! Ils m’ont tout pris, fortune, liberté…

ÉLISABETH.

C’est justement alors que je rencontrai dans la salle de l’auberge les seigneurs de Miltenberg et de Singlingen, qui ne me connaissaient pas. Je sentis une joie aussi grande que si j’avais mis au monde un fils. Ils te vantaient à l’envi, et disaient : « C’est le modèle d’un chevalier, brave et généreux dans la liberté, calme et fidèle dans le malheur. »

GŒTZ.

Qu’on me produise quelqu’un à qui j’aie manqué de parole ! Et Dieu sait que j’ai plus sué pour servir mon prochain que moi ; que j’ai travaillé pour acquérir le nom de brave et fidèle chevalier, non pour gagner de grandes richesses et dignités. Et, Dieu merci ! ce que j’ai poursuivi, je le possède. (Entrent Lerse et George, portant du gibier.) Fort bien, braves chasseurs !

GEORGE.

Oui ! de braves cavaliers que nous étions. Avec des bottes il est facile de faire des pantoufles.

LERSE.

La chasse est toujours quelque chose : c’est une espèce de guerre.