Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien que c’était pour moi qu’il passait, n’en fîtes-vous pas vous-même la remarque avec une secrète joie ? Me rappeliez-vous, quand je me tenais derrière les carreaux et que je l’attendais ?

LA MÈRE.

Pensais-je que cela irait.si loin ?

Claire, d’une voix sanglotante et en retenant ses larmes. Et lorsqu’un soir, enveloppé de son manteau, il nous surprit auprès de notre lampe, qui s’empressa de le recevoir, tandis que je restais surprise et comme enchaînée sur ma chaise ?

La Mère. .

Et pouvais-je craindre que ce malheureux amour entraînât sitôt la sage Claire ? Maintenant il me faut souffrir que ma fille….

Claire, fondant en larmes. Ma mère, vous le voulez absolument ! Vous prenez plaisir à me tourmenter !

La Mère, pleurant. Pleure, pleure à présent ! Rends-moi encore plus malheureuse par ton chagrin. N’est-ce pas assez de douleur pour moi, que mon unique enfant soit une fille perdue ?

Claire, debout et froidement. Perdue ! L’amante d’Egmont, une fille perdue ?… Quelle princesse n’envierait pas à la pauvre Claire la place qu’elle a dans son cœur ? Oh ! ma mère ; ma mère, autrefois vous ne parliez pas ainsi ! Chère maman, soyez bonne ! Le peuple et ce qu’il pense, les voisines et ce qu’elles murmurent !… Cette chambre, cette petite maison est le ciel, depuis que l’amour d’Egmont y demeure.

LA Mère. On ne peut s’empêcher de l’aimer, c’est vrai. 11 est toujours si amical, franc et ouvert !

CLAIRE.

Il n’y a pas en lui une veine de fausseté. Voyez, ma mère, et c’est pourtant le grand Egmont ! Et, lorsqu’il vient à moi, comme il est aimable ! comme il est bon ! Comme il me cacherait volontiers son rang, sa vaillance ! Comme il s’empresse autour de moi ! Ce n’est plus qu’un homme, un ami, un amant !



LA