Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/300

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MÈRE.

\iendra-t-il peut-être aujourd’hui ?

CLAIRE.

Ne m’avez-vous pas vue aller souvent à la fenêtre ? N’avezvous pas remarqué comme j’écoute, s’il se fait du bruit à la porte ?… Quand même je sais qu’il ne vient pas avant la nuit, je l’attends sans cesse, dès le matin, dès que je suis levée. Que ne suis-je un homme, pour le suivre toujours, à la cour et partout ! Que ne puis-je porter le drapeau après lui dans la bataille !…

LA MÈRE.

Tu as toujours été une étourdie ; déjà toute petite, tantôt folle, tantôt rêveuse. Ne fais-tu pas un peu de toilette ?

CLAIRE.

Peut-être, ma mère, si je m’ennuie. Hier, pensez donc, quelques-uns de ses gens passaient, et chantaient ses louanges. Du moins son nom était dans leurs chansons. Le reste, je n’ai pu le comprendre. Le cœur me battait jusque-là ! (Elle porte lamain à son cou.) Je les aurais volontiers rappelés, si j’avais osé.

LA MÈRE.

Observe-toi. Ta vivacité gâtera tout : tu te trahis ouvertement devant le monde. Comme l’autre jour, chez’notre cousin, lorsque tu trouvas cette image avec la légende, et que tu t’écrias : « Le comte d’Egmont !… » Je devins rouge comme le feu.

CLAIRE.

Pouvais-je ne pas crier ? C’était la bataille de Gravelines, et je trouve au haut de l’image la lettre C, et je cherche en bas, dans la légende, le C ; il y avait : «Le comte d’Egmont, ayant son cheval tué sous lui. J> Cela me saisit ; et, ensuite, il me fit bien rire cet Egmont en gravure, qui était aussi grand que la tour de Gravelines tout auprès, et les vaisseaux anglais à côté…. Quand je me souviens quelquefois comme je me représentais auparavant une bataille, et quelle idée je me faisais du comte d’Egmont, étant petite fille, lorsque vous faisiez des récits sur lui et sur tous les comtes et les princes…. et ce que j’éprouve à présent ! (Entre Brackenbourg.)

CLAIRE.

Eh bien ! que se passe-t-il ?