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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/317

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avec tout le monde. Dites-moi une parole obligeante, qui tranquillise ce noble ami. Voyez comme il use de précaution, comme il vous touche légèrement. .



EGMONT.

Mais il touche toujours cette corde. Il sait, de longue date, combien ces exhortations me sont odieuses ; elles ne font qu’égarer ; elles ne sont d’aucun secours. Et, si j’étais somnambule, et que je me promenasse sur le faîte dangereux d’une maison, serait-ce d’un ami de m’appeler par mon nom et de m’avertir, de m’éveiller et de me tuer ? Laissez les gens suivre leur sentier : c’est à eux de s’observer.

RICHARD.

Il ne vous sied pas de craindre, mais celui qui vous connaît et qui vous aime….

Egmont, jetant les yeux sur la lettre.

Il revient ici sur les vieilles histoires, sur ce que nous avons fait, ce que nous avons dit, un soir, dans le joyeux entraînement de l’intimité et du vin, et sur les conséquences et les preuves qu’on en a déduites et colportées dans tout le royaume…. Eh bien, soit ! nous avons fait broder sur les manches de nos laquais des marottes et des habits de fous, et nous avons ensuite remplacé ces ornements ridicules par un faisceau de flèches : symbole encore plus dangereux pour tous ceux qui veulent trouver un sens à ce qui n’en a point. Dans un moment de gaieté, nous avons conçu et enfanté mainte folie. C’est notre faute, si toute une noble troupe, portant la besace du mendiant et un sobriquet choisi par elle-même1, a rappelé, avec une humilité railleuse, ses devoirs au monarque ; c’est notre faute…. Qu’y a-t-il de plus ? Un divertissement de carnaval est-il un crime de haute trahison ? Faut-il nous reprocher quelques hajllons bariolés dont une hardiesse juvénile et une imagination excitée se plaisent à couvrir la misérable nudité de notre vie ? Si vous prenez trop sérieusement la vie, qu’y trouverez-vous ? Si le matin ne nous éveille pas pour de nouvelles joies ; si, le soir, nous n’avons plus à espérer aucun plaisir : est-ce bien la peine de mettre et d’ôter ses habits ? Le soleil m’éclaire-t-il aujourd’hui pour