Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/316

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EGMONT. .

Je ne puis ; et, de tout ce qui m’est odieux, écrire l’est plus que tout le reste. Tu imites si bien ma main) écris en mon nom. J’attends Orange. Je ne peux m’y mettre, mais je souhaiterais qu’on lui écrivît, sur ses inquiétudes, quelque - chose -de fort tranquillisant.

RICHARD.

Dites-moi à peu près votre idée : je rédigerai la réponse, et vous la soumettrai. Elle sera écrite de manière à pouvoir passer en justice pour être de votre main.

EGMONT.

. Donne-moi la lettre. (Après y avoir jeté les yeux.) Vénérable et bon vieillard ! Étais-tu bien aussi circonspect dans ta jeunesse ? N’as-tu jamais escaladé un rempart ? Dans la bataille, restaistu en arrière, où la prudence le conseille ?… Fidèle sollicitude ! Il veut ma vie et mon bonheur, et ne sent pas que c’est être déjà mort, de vivre pour sa sûreté…. Écris-lui qu’il peut être sans inquiétude ; que je fais comme je dois ; que je serai sur mes gardes ; qu’il emploie en ma faveur son crédit à la cour, et soit assuré de ma parfaite reconnaissance.

RICHARD.

Rien de plus ? Oh ! il attend davantage.

EGMONT,

Que dois-je dire de plus ? Si tu veux employer plus de paroles, il ne tient qu’à toi. Ce qu’il me dit tourne sans cesse autour du même point : il faudrait que je vécusse comme je ne saurais vivre. Être joyeux, prendre les choses légèrement, vivre à la course : voilà mon bonheur ; et je ne l’échangerais pas contre la sécurité d’un caveau funèbre. Il n’y a pas dans mes veines une goutte de sang pour la vie espagnole ; je n’ai nulle envie de régler mes pas sur la nouvelle et grave cadence de la cour. Ne vivrai-je que pour penser à la vie ? Dois-je renoncer à jouir du moment présent, pour être assuré de celui qui va suivre, et, celui-ci, le consumer encore dans les rêves et les soucis ?, .

.RICHARD.

Je vous en prie, monseigneur, ne soyez pas si sévère.et si dur envers cet excellent homme, vous qui êtes d’ailleurs affable