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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/34

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Crains que la colère des dieux ne s’allume, en voyant que l’homme le plus heureux connaît si peu son bonheur. Viens ! Sois content, mon ami ! sans cela ils vengeront les pleurs de la jeune fille qui t’aime.

ÉRIDON.

Si je pouvais seulement m’accoutumer à voir maint berger lui presser les mains en dansant, l’un la regarder, elle regarder l’autre ! D’y penser seulement, mon cœur pourrait crever de dépit !

ÉGLÉ.

Eh ! laisse donc : cela n’a aucune importance. Un baiser même n’est rien.

ÉRIDON.

Que dis-tu ? Rien, un baiser ?…

ÉGLÉ.

Je crois que l’on peut être fort ému dans son cœur, quand ce baiser doit dire quelque chose…. Mais veuille lui pardonner ! car, si tu te montres fâché, rien ne peut la réjouir.

ÉRIDON.

Ah ! mon amie !

ÉGLÉ, d’une voix caressante.

Ne sois pas fâché, mon ami ; tu es bon aussi. Adieu ! (Elle lui prend la main.) Tu es brûlant !

ÉRIDON.

Mon sang bouillonne….

ÉGLÉ.

De colère encore ? Il suffit. Tu lui as pardonné. Je cours auprès d’elle. Elle demande après toi en tremblant ; je lui dis : « Il est bon ; » elle se calmera ; son cœur battra avec plus de tendresse, et elle t’aimera plus ardemment. (Elle regarde avec sentiment.) Écoute, elle te cherchera aussitôt que la fête sera finie, et par cette recherche même tu lui deviens toujours plus cher. (Églé semble toujours plus tendre ; elle s’appuie sur l’épaule du berger. Il lui prend la main et la baise.) Enfin elle te voit ! Oh ! quel moment ! Presse-la contre ton sein et sens tout ton bonheur ! Par