Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/393

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Plus tranquille ! Ètes-vous donc tranquilles ? Ne vois-je pas, à la figure altérée de cette chère sœur, à tes yeux gonflés de larmes, à cette pâleur du chagrin, au morne silence de vos amis, que vous êtes malheureuses, comme vous me l’êtes apparues pendant tout ce long voyage ? Et plus malheureuses encore…. car je vous vois ; je vous presse dans mes bras ; la présence redouble mes sentiments, ô ma sœur !

SOPHIE.

Et notre père ?

BEAUMARCHAIS.

Il vous bénit et me bénit moi-même, si je vous sauve.

BUENCO.

Monsieur, permettez à un inconnu, qui reconnaît en vous, au premier coup d’œil, l’homme noble et brave, de vous témoigner le profond intérêt qu’il prend à toute cette affaire. Monsieur, vous faites ce long voyage pour sauver, pour venger votre sœur. Soyez le bienvenu, le bienvenu, comme un ange, quoique vous nous fassiez tous rougir !

BEAUMARCHAIS.

J’espérais, monsieur, trouver en Espagne des cœurs tels que le vôtre : c’est ce qui m’a encouragé à faire £ette démarche. Nulle part, nulle part dans le monde il ne manque de ces âmes compatissantes et favorables, pourvu qu’un homme se présente, à qui sa position laisse l’entière liberté de s’abandonner à son courage. Et j’ai la ferme espérance, ô mes amis, qu’il se trouve partout des hommes généreux parmi les puissants et les grands, et que l’oreille des rois est rarement sourde : seulement notre voix est le plus souvent trop faible pour atteindre si haut.

SOPHIE.

Viens, ma sœur, viens te reposer un moment. Elle est tout à fait hors d’elle-même. ( On l’emmène. )

MARIE.

Mon frère !

BEAUMARCHAIS.

Dieu veuille que tu sois innocente ! Et alors vengeance, vengeance sur ce traître ! (Marie et Sophie sortent.) Mon frère ! mes