Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/398

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d’étendre la gloire de sa patrie par l’échange des produits indigènes, et de l’enrichir encore de trésors étrangers. Permettez-moi donc, monsieur, de ne pas traiter comme un inconnu un homme qui m’apporte, avec tant de franchise, une si agréable nouvelle, permettez-moi de vous demander quelle affaire, quel intérêt, vous a fait entreprendre ce long voyage ? Ce n’est pas que je veuille, par cette indiscrétion, satisfaire une vaine curiosité ; non, croyez plutôt que je parle avec l’intention la plus pure d’employer pour vous tous les moyens, toute l’influence que je puis avoir ; car, je vous en préviens, vous êtes arrivé dans un pays où un étranger rencontre, surtout à la cour, des difficultés sans nombre pour l’expédition de ses affaires.

1. Nous avons placé entre guillemets les passages tirés des Mémoires de Beaumarchais ; mais le texte en paraîtra quelquefois modifié dans notre travail, qui est, comme il doit l’être toujours, la traduction de Goethe. La comparaison avec les Mémoires pourra faire juger exactement de ce que l’auteur allemand doit à Beaumarchais.



BEAUMARCHAIS.

« J’accepte avec une vive reconnaissance des offres si flat

  • teuses. Je n’aurai point de secret pour vous, monsieur, et cet « ami ne sera pas de trop dans cette communication : il est suf« fisamment instruit de ce que j’ai à vous dire. ( Clavijo observe « Saint-George avec attention. ) Un négociant français, qui .avait « une nombreuse famille et peu de fortune, avait beaucoup de « correspondants en Espagne. Un des plus riches vint à Paris, il « y a quinze ans, et lui fit cette proposition : * Donnez-moi deux « de vos filles : je les emmènerai à Madrid et les établirai. Je « suis garçon, âgé, sans parents ; elles feront le bonheur de •x mes vieux jours, et, après ma mort, je leur laisserai une des
  • maisons de commerce les plus considérables d’Espagne. » On « lui confia l’aînée et une des plus jeunes sœurs. Le père se char» gea de fournir la maison de toutes les marchandises françaises

. « que l’on demanderait ; et tout avait bonne apparence, lorsque « le correspondant vint à mourir, sans songer le moins du « monde aux Françaises, qui se virent dans la situation difficile « d’avoir à diriger seules un nouveau commerce. Dans l’inter« valle, l’aînée s’était mariée, et, malgré leur peu d’aisance, « elles conservèrent, par une bonne conduite et par les grâces « de leur esprit, une foule d’amis, qui s’empressèrent à l’envi « d’augmenter leur crédit et leurs affaires. ( Clavijo devient tou« jours plus attentif. ) A peu près dans ce même temps, un jeune " homme, natif des îles. Canaries, s’était fait présenter dans la «