Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/399

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maison. ( Toute la gaieté de Clavijo disparaît, et son air sérieux « se change par degrés en un embarras toujours plus visible. ) Tout « humble que fut sa condition, comme sa fortune, on l’ac« cueillit avec obligeance. Les dames, lui voyant une grande « ardeur pour l’étude de la langue française, lui facilitèrent « tous les moyens d’y faire en peu de temps de grands progrès.



  • Plein du désir de se faire un nom, il forme le projet de don« ner à la ville de Madrid le plaisir, encore nouveau pour sa « nation, d’une feuille périodique dans le genre du Spectateur « anglais. Ses amies ne manquent pas de le seconder de toute
  • manière ; on ne doute point qu’une pareille entreprise n’ob« tienne un grand succès ; bref, animé par l’espérance de pou« voir bientôt devenir un homme de quelque considération, il » ose faire à la plus jeune des propositions de mariage. On lui
  • donne des espérances. * Cherchez à réussir, lui dit l’aînée, « et, lorsqu’un emploi, la faveur de la cour ou quelque autre « moyen de subsister vous aura donné le droit de songer à ma « sœur, si elle vous préfère à d’autres prétendants, je ne vous » refuserai pas mon consentement. » (Clavijo, dans le plus grand « embarras-, s’agite sur son siège.) La plus jeune refuse divers « partis considérables ; son inclination pour l’homme s’aug« mente, et lui aide à supporter le souci d’une attente incer« taine ; elle s’intéresse au succès du jeune homme comme au «. sien propre, et l’encourage à donner la première feuille de son « journal, qui paraît sous un titre imposant. (Clavijo est dans le « plus affreux embarras. Beaumarchais poursuit avec un froid glati cial. ) L’ouvrage eut un succès prodigieux ; le roi même, amusé « de cette charmante production, donna à l’auteur des marques « publiques de sa bienveillance. On lui promit le premier ema ploi honorable qui vaquerait. Dès ce moment il écarte tous les
  • prétendants à sa maîtresse par une recherche absolument « publique. Le mariage ne se retardait que par l’attente de l’em« ploi promis…. Enfin, au bout de six ans d’attente, d’amitié « fidèle, de support et d’amour, du côté de la jeune fille ; après « six ans de dévouement, de reconnaissance, de soins, de pro« messes sacrées, du côté de l’amant, l’emploi paraît…. et « l’homme s’enfuit…. (Clavijo laisse échapper un profond soupir, «qu’il s’efforce de cacher ; il est tout à fait hors de lui.) L’affaire