avait trop éclaté pour qu’on pût en voir le dénoùment avec « indifférence. On avait loué une maison pour deux ménages. « Toute la ville en parlait. Tous les amis étaient indignés au « dernier point et demandaient vengeance. On s’adresse à de « puissants protecteurs ; mais le misérable, déjà initié dans les « cabales de la cour, sait rendre tous les effort inutiles, et porte « si loin son insolence, qu’il ose menacer les infortunées ; qu’il « ose dire en face à leurs amis, qui se rendent chez lui, que les « Françaises devaient prendre garde ; qu’il les défiait de lui « nuire, et que, si elles se permettaient d’entreprendre quelque « chose contre lui, il lui serait facile de les perdre, dans un pays « étranger, où elles étaient sans appui et sans secours. A cette .> nouvelle, la pauvre jeune fille tomba dans des convulsions qui « firent craindre pour sa vie. Au fort de leur désolation, l’aînée « écrit en France l’outrage public qui leur a été fait. Cette nou« velle émeut leur frère de la manière la plus horrible ; il de« mande un congé, pour venir donner ses conseils et ses secours « dans une affaire si embrouillée ; il ne fait qu’un saut de Paris « à Madrid, et ce frère…. c’est moj !… qui ai tout quitté, patrie, « devoirs, famille, état, plaisirs, pour venir venger en Espagne
- une sœur innocente et malheureuse. Je viens, armé du bon « droit et de la fermeté, démasquer un traître, écrire en traits i de sang son âme sur son visage, et ce traître…. c’est toi ! »
CLAVIJO.
Écoutez-moi, monsieur !… Je cuis…. j’ai…. Jene doute pas….
BEAUMARCHAIS.
- Ne m’interrompez pas. Vous n’avez rien à me dire et beau» coup à entendre de moi. Pour commencer, ayez la bonté de « déclarer devant monsieur, qui est exprès venu de France «• avec moi, si, par quelque manque de foi, légèreté, faiblesse, « aigreur ou par quelque autre tort, ma sœur a mérité de vous « cet outrage public. »
CLAVIJO.
« Non, monsieur. Votre sœur, dona Maria, est une demoi« selle pleine d’esprit, de grâces et de vertu. »
BEAUMARCHAIS.
« Vous a-t-elle jamais, depuis que vous la connaissez, donné
- sujet de vous plaindre d’elle ou de la moins estimer ? »