LA MAÎTRESSE DE POSTE.
Mais vous savez comme les choses vont. On disait que monsieur avait de singuliers principes : du moins il n’allait pas à l’église ; et les gens qui n’ont point de religion, n’ont point de Dieu et n’observent aucune règle. Tout à coup on apprend que monsieur est parti. Il était allé en voyage, et dès lors il n’est pas revenu. .
MADAME SOMMER, à part.
Toute l’image de mon sort !
LA MAÎTRESSE DE POSTE.
On ne parlait que de cela. C’était justement quand je vins ici, nouvelle mariée. Il y aura trois ans à la Saint-Michel. Et chacun savait quelque chose de particulier ; on se disait même à l’oreille qu’ils n’avaient jamais été mariés.. ?. Mais ne me trahissez pas. Il doit être un homme de distinction ; il doit l’avoir séduite,, et tout ce qu’on dit. Oui, quand une jeune fille fait un pareil pas, elle a de quoi pleurer toute sa vie.
ANNETTE, aCCOUrant.
Madame vous fait prier instamment de vous rendre tout de suite chez elle ; elle ne veut-que vous parler un moment, que vous voir.
LUCIE.
Je ne puis me présenter ainsi vêtue.
LA MAÎTRESSE DE POSTE.
Allez toujours ! Je vous donne ma parole qu’elle n’y prendra pas garde.
LUCIE.
Voulez-vous m’accompagner, ma petite ?
ANNETTE.
De bon cœur.
MADAME SOMMER.
Lucie, un mot ! (La Maîtresse de poste s’éloigne.) Ne va rien trahir, ni notre condition, ni notre sort ! Conduis-toi respectueusement.
Lucie, à voix basse.
Laissez-moi faire ! Mon père était un marchand ; il est allé en Amérique ; il est mort, et par là notre situation.... Laissez-moi faire : j’ai conté cette fable assez souvent. (Haut.) Ne voudriezvous pas vous reposer un peu ? Vous en avez