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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/456

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Il me semble que vous ne pourriez manquer de trouver un compagnon, qui serait encore plus intéressant que Mme la baronne. .

LUCIE.

Je ne m’en soucie point.

’ FERNAND.

Parlez-vous sincèrement ?

LUCIE.

Monsieur, je vois que vous êtes comme tous les hommes.

FERNAND.

C’est-à-dire ?

LUCIE.

Très-présomptueux sur ce point. Vous autres messieurs, vous vous croyez indispensables ; et, je ne sais, je suis pourtant devenue grande sans votre secours.

FERNAND.

Vous n’avez plus de père ?

LUCIE.

Je me souviens à peine que j’en avais un. J’étais enfant, lorsqu’il nous quitta pour faire un voyage en Amérique ; et son vaisseau a péri, nous dit-on.

FERNAND.

Et vous y semblez bien indifférente ?

LUCIE.

Comment pourrais-je ne pas l’être ? Il m’a donné peu de marques d’affection, et, quoique je lui pardonne volontiers de nous avoir abandonnées (car est-il rien qui vaille mieux pour l’homme que sa liberté ?), cependant je ne voudrais pas être ma mère, qui se meurt de chagrin.

FERNAND.

Et vous êtes sans secours, sans protection ?

LUCIE.

Qu’importe ? Notre fortune :est devenue tous les jours plus petite, mais moi. je suis devenue tous les jours plus grande ; et je ne suis pas en peine pour nourrir ma mère.

FERNAND.

Votre courage m’étonne.