Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/48

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les aimables jeunes cavaliers étaient en foule à tes pieds ? où chacun voyait son sort dans tes yeux ? J’étais là dans l’abondance, comme une déesse, et mes serviteurs, autour de moi, attentifs à mes caprices ! C’en était assez pour remplir mon cœur de vanité. Hélas ! une jeune fille est vraiment bien à plaindre ! Est-on un peu jolie, aussitôt on plaît à chacun ; tout le jour autour de nos oreilles bourdonnent les louanges. Et quelle jeune fille résiste à cette épreuve du feu ? A’ous savez agir si honorablement, vous autres hommes ! On vous croit volontiers sur parole !… Et tout à coup le diable vous emporte…. S’il se trouve à croquer quelque morceau délicat, vite ils sont tous du festin ! Mais une jeune fille le prend-elle au sérieux, tout le monde vide la maison. Ainsi vont les choses avec nos messieurs dans ce temps mauvais. Il s’en présente vingt, jusqu’à ce qu’un pauvre chétif vous recherche. A la vérité, je ne me suis pas trouvée à la fin absolument abandonnée ; à vingt-quatre ans, il n’y a plus beaucoup de temps à perdre. Soeller se présenta…. et, ma foi, je l’acceptai ! C’est un triste personnage, mais c’est un homme. Je suis casée maintenant, et ne suis pas mieux qu’enterrée. Je pourrais bien encore avoir des adorateurs en foule ; mais à quoi bon ? S’ils sont bétes, on ne fait que^se mourir d’ennui avec eux, et il est dangereux d’aimer un homme habile ; il emploiera bientôt son habileté pour votre perte. Même sans amour, tout hommage m’était odieux. Et maintenant…. mon pauvre cœur, étais-tu préparé à la chose ? Alceste est revenu. Ah ! quel nouveau tourment ! Oui, autrefois, quand il était là, comme c’étaient d’autres jours ! Comme je l’aimais !… Et encore…. Je ne sais ce que je veux. Je l’évite avec crainte ; il est rêveur, silencieux ; j’ai peur de lui : ma peur est bien fondée. Ah ! s’il savait ce que j’éprouve encore pour lui ! Il vient ! Déjà je tremble. Mon cœur est si plein ! Je ne sais ce que je yeux, et bien moins ce que je dois….



SCÈNE