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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/488

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pas quel sanctuaire s’ouvrait pour toi, quand mon cœur s’épanouit devant le tien ? Et tu n’as pas reculé devant moi ? Tu n’as pas disparu ? Tu ne t’es pas enfui ? Tu as pu cueillir, pour ton amusement, et déchirer et disperser avec insouciance, au bord du chemin, mon innocence, mon bonheur, ma vie ? Noble cœur !... Ah ! noble cœur !... Ma jeunesse !.., mes beaux jours !... Et tu portes dans ton sein la profonde perfidie !... Ta femme !... ta fille !... Et moi, mon âme était libre, était pure comme un matin du printemps ! Tout, tout, pour moi une seule espérance.... Où es-tu, Stella ? (Elle regarde le portrait.) Si grand ! si flatteur !... C’est ce regard qui m’a perdue.... Je te hais.... Loin de moi ! Va-t’en loin de moi !... Si doux ! si aimable !... Non ! Non !... Séducteur !... Moi !... Lui !... Moi !... (Elle agite le couteau devant le portrait.) Fernand !... (Elle se détourne ; le couteau échappe de sa main ; elle tombe prosternée devant le fauteuil, dans un accès de pleurs.) Bien-aimé ! bien-aimé !... Impossible !... impossible ! (Entre un Domestique.)



LE DOMESTIQUE.

Madame, comme vous l’avez ordonné, les chevaux sont à la porte, derrière le jardin. Vos effets sont dans la voiture. N’oubliez pas de l’argent.

STELLA.

Le portrait ! (le Domestique prend le couteau, détache h portrait du cadre et le roule.) Voici l’argent.

LE DOMESTIQUE.

Mais pourquoi ?...

Stella. Elle reste un moment en silence, lève les yeux et regarde

autour d’elle. Viens ! (Elle sort.)

Le salon. FERNAND, Seul.

Laissez-moi ! laissez-moi !... Cela me saisit de nouveau avec tout l’affreux égarement !... Tout est devant moi aussi froid, aussi horrible.... que si le monde n’était rien.... que si je n’avais commis aucun crime !... Et vous !... Ah ! ne suis-je pas plus misérable