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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/487

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Le cabinet de Stella.

Stella, seule. Elle tient le portrait de Fernand, et se dispose à le détacher du châssis.

Ténèbres de la nuit, environnez-moi, embrassez-moi, conduisez-moi 1 Je ne sais où je vais.... Je dois, je veux fuir dans le vaste monde. Où donc ? Hélas, où donc ?... Bannie de ta création ! Ces lieux, où ta clarté, lune sacrée, luit sur les cimes de mes arbres ; où tu environnes d’une ombre douce et funèbre le tombeau de ma chère Mina, ne dois-je plus y porter mes pas ? Loin du lieu où sont recueillis tous les trésors de ma vie, tous mes heureux souvenirs ?... Et toi, devant laquelle je me suis si souvent arrêtée avec recueillement et avec larmes, place de mon tombeau, que je m’étais consacrée ; autour de laquelle brillent, comme un crépuscule, toutes les tristesses, toutes les joies de ma vie ; autour de laquelle, après mon départ suprême, j’espérais planer encore et jouir languissamment du passé : être aussi bannie loin de toi ?... Être bannie ?... Tu es stupide, grâce au ciel ! Ton cerveau est épuisé ; tu ne peux la saisir cette pensée : être bannie !... Tu deviendrais folle.... Maintenant !... Oh ! la tête me tourne.... Adieu !... Adieu ?... Ne jamais revoir ?... Il y a comme un regard sombre de la mort dans ce sentiment : « Ne pas revoir.... » Fuis, Stella ! (Elle prend le portrait.) Et je devrais te laisser ! (Elle prend un couteau et commence à détacher les clous.) Oh ! si j’étais insensible ! si je pouvais rendre ma vie . dans un léthargique sommeil, dans un torrent de larmes ! Cela est et sera.... Tu es misérable !... (Elle présente le portrait aux rayons de la lune.) Ah ! Fernand, lorsque tu vins à moi, et que mon âme vola à ta rencontre, est-ce que tu ne sentis pas ma confiance en ta fidélité, en ta bonté ?... Est-ce que tu ne sentis