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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/63

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de ma bouche, si ce pauvre cœur n’était pas oppressé, sans espérance. Je vois de jour en jour notre ménage aller à sa ruine. Et la vie de mon mari !… Comment pourrons-nous subsister ? Je sais qu’il ne m’aime pas, qu’il n’est pas touché de mes larmes ! et, quand mon père tempête, il faut encore que je le réconcilie ! Chaque jour commence un nouveau tourment. Soeller, ému à sa manière.



Non, la pauvre femme est vraiment à plaindre !

Sophie :

Mon mari n’a aucune idée diune vie tant soit peu humaine. Que n’ai-je pas dit ? que n’ai-je pas cédé ? Il boit tout le jour, il fait des dettes de tous côtés, il joue, il querelle, il brave, il rampe : cela ne finit pas. Tout son esprit n’enfante que des fadaises et des bouffonneries ; ce qu’il prend pour habileté ne sont que des ruses grossières. Il ment, il calomnie, il trompe….

SOELLER.

Je vois qu’elle rassemble déjà des traits pour mon oraison funèbre.

SOPHIE.

Oh ! crois-moi, je serais depuis longtemps morte de chagrin, si je ne savais pas….

SOELLER.

Achève donc !

SOPHIE.

Qu’Alceste m’aime encore.

ALCESTE.

Il t’aime, il gémit comme toi.

SOPHIE.

Cela soulage ma peine d’entendre du moins quelqu’un, d’entendre Alcesfe me plaindre. Alceste, par cette main, par cette main chérie, je t’en conjure, conserve-moi toujours ton cœur !

SOELLER.

Entendez-vous comme elle est caressante ?

SOPHIE.

Ce cœur, qui n’a brûlé que pour toi, ne peut recevoir de consolations que de ta main.