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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/65

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fond arrêtés ensemble.) Pour cette fois, prends-en ton parti ! Il n’y a pas lieu de beaucoup réfléchir ; le moment est favovable, partons vite. (Il s’échappe de l’alcôve et sort par la porte latérale.)



SCENE V.

ALCÈSTE, seul.

Que veux-tu maintenant, mon cœur ?… C’est pourtant merveilleux ! Cette femme chérie reste toujours pour toi ce qu’elle était. La reconnaissance pour ces heures dorées du premier bonheur d’amour n’est pas ici entièrement évanouie. Que n’ai-je pas songé ! que n’ai-je pas senti ! Et cette image n’est pas encore effacée chez moi, telle que l’amour me la montrait dans sa beauté parfaite ; l’image devant laquelle mon cœur s’inclinait avec un profond respect. Combien ce que j’éprouve n’est-il pas différent ! Quelle clarté plus vive, depuis ce temps ! Et néanmoins elle conserve un reste de cette sainteté. Avoue-le franchement ce qui t’a entraîné ici : maintenant le feuillet se tourne ; tu recommences à aimer. Et cette indépendance, et ce que tu as médité de loin, le dédain que tu lui promettais, le plan que tu avais formé…. Combien cela est changé ! Ne sens-tu pas une inquiétude secrète ? Certainement, avant qu’elle fût ta conquête, tu lui appartenais dès longtemps. C’est le sort de l’humanité ! A courir on se heurte souvent, et celui qui médite beaucoup s’en trouve encore bien plus mal. Maintenant ne songeons qu’au plus nécessaire. Il faut que j’imagine le moyen de lui offrir dès demain un peu d’argent comptant. Au fond c’est déplorable…. Son sort m’oppresse vivement ; son mari, le vaurien ! lui rend la vie dure. J’ai justement encore ce qu’il faut. Voyons !… Oui, cela suffira. Quand même je serais tout à fait étranger, elle devrait m’attendrir ; mais je ne sens que trop profondément, dans mon cœur et dans mon esprit, que je suis, en grande partie, coupable de son malheur. Le sort le voulut ainsi : je ne pus l’empêcher. Ce que je ne puis changer, je veux du moins l’adoucir. (Il ouvre la cassette.) Que diable ! qu’est-ce que cela ? La cassette presque vide ! De tout l’argent il ne reste pas