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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/97

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former, par-ci par-là, le pauvre nourrisson selon le vent de leurs caprices.

MERCURE.

Et ils te préservèrent.

PROMÉTHÉE.

De quoi ? Des dangers qu’eux-mêmes ils redoutaient. Ont-ils préservé mon cœur des serpents qui le rongeaient en secret ? Ont-ils trempé cette poitrine pour braver les Titans ? Celui qui m’a forgé un cœur d’homme, n’est-ce pas le temps tout-puissant, mon maître et le vôtre ?

MERCURE.

Misérable ! Parler ainsi à tes dieux, aux dieux infinis.

PROMÉTHÉE.

Aux dieux ? Je ne suis pas un dieu, et je me crois autant que l’un de vous. Infinis ?… Tout-puissants ?… Que pouvez-vous ! Pouvez-vous resserrer en balle dans ma main le vaste espace du ciel et de la terre ? Pouvez-vous me séparer de moi-même ? Pouvez-vous m’étendre, me déployer en un monde ?

MERCURE.

Le destin !…

PROMÉTHÉE.

Reconnais-tu sa puissance ? Moi aussi !… Va, je ne sers pas des vassaux. (Mercure s’en va.)

PROMÉTHÉE, retournant à ses statues éparses dans tout le bois

.

Moment irréparable ! Être arraché par ce fou à votre compagnie, ô mes enfants !… Quoi que ce soit qui anime votre sein (il s’approche d’une jeune fille), ce sein devrait battre en ma présence ! L’œil parle déjà ! Parle, parle-moi, lèvre chérie !… Oh ! si je pouvais vous donner de sentir ce que vous êtes ! (Épiméthée paraît.)

ÉPIMÉTHÉE.

Mercure s’est plaint amèrement.

PROMÉTHÉE.

Si tu ne prêtais l’oreille à ses plaintes, il s’en serait aussi allé sans se plaindre.

ÉPIMÉTHÉE.

Mon frère… tout ce qui est juste ! La proposition des dieux était cette fois équitable. Ils veulent t’ouvrir les sommets de l’Olympe ; là tu habiteras ; tu régneras sur la terre.