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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/219

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PIERRE.

À l’idée d’une pareille violence, je me sens trembler bras et jambes.

ALBERT.

Fou ! Celui qui emploie la violence ne doit pas trembler.

MARTIN.

Mais comme aisément ils peuvent lancer sur nous un régiment de dragons ! Nous n’y devons pas aller si rudement. La troupe, le prince, le gouvernement, nous écraseraient de la belle sorte.

BRÊME.

Tout au contraire. C’est justement sur quoi je me fonde. Le prince sait combien le peuple est opprimé. Il s’est prononcé assez souvent d’une manière énergique et formelle sur l’iniquité de la noblesse, sur la lenteur des procès, sur les chicanes des justiciers et des avocats ; en sorte qu’on peut présumer qu’il ne se fâchera point si l’on se rend justice, puisqu’il en est lui-même empêché.

PIERRE.

Est-ce bien sûr ?

ALBERT.

On en parle dans tout le pays.

PIERRE.

Alors on pourrait, à tout événement, hasarder quelque chose.

BRÊME.

Comment vous devez vous mettre à l’œuvre, comment, avant toute chose, vous devez vous défaire de l’abominable justicier, et sur qui vous devrez encore avoir les yeux ouverts, c’est ce que vous saurez avant le soir. Faites vos préparatifs, animez vos gens, et venez me joindre, ce soir à six heures, vers la fontaine des Seigneurs. Jacques n’est pas encore arrivé, et cela le rend suspect : il vaut mieux qu’il ne soit pas venu. Surveillez-le, afin que du moins il ne nous nuise pas. Il saura bien prendre part aux avantages que nous remporterons. Il fait jour : adieu, et dites-vous seulement que ce qui doit se faire est déjà fait. La comtesse revient justement de Paris, où elle a vu et entendu tout ce que nous lisons avec tant d’admiration : peut-être ap-