Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/234

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core. Vous étiez l’écolière des grands hommes qui nous ont mis en liberté par leurs écrits, et maintenant je trouve en vous une élève, formée par les grands événements qui nous donnent une idée vivante de tout ce qu’un citoyen bien pensant doit désirer et détester. Il vous sied de faire opposition à votre propre classe. Nul ne peut juger et blâmer que la sienne. Tout blâme jeté sur des inférieurs ou des supérieurs est mêlé d’idées accessoires et de petitesses : on ne peut être jugé que par ses égaux. Mais, précisément parce que je suis un bourgeois, qui se propose de demeurer tel ; qui reconnaît la grande importance de la classe supérieure dans l’État, et a sujet de l’apprécier, je ne puis non plus souffrir absolument les petites chicanes de l’envie, l’aveugle haine, qui n’est produite que par l’égoïsme, qui lutte prétentieusement contre les prétentions, se formalise des formalités, sans avoir même de réalité, car elle ne voit que l’apparence, où elle pourrait voir du bonheur et des suites. En vérité, s’il faut compter pour quelque chose tous les avantages, tels que la santé, la beauté, la jeunesse, la richesse, l’esprit, les talents, le climat, pourquoi n’aura-t-il pas aussi une sorte de valeur, l’avantage que j’ai de descendre d’une suite d’ancêtres vaillants, célèbres, glorieux ? Voilà ce que je dirai là où j’aurai voix, quand même on m’appliquerait le nom odieux d’aristocrate.


(Ici se trouve une lacune, que nous remplirons par le récit. L’aride sévérité de cette scène est tempérée par l’aveu que fait le conseiller de son inclination pour Louise, en se déclarant prêt à lui offrir sa main. On parle de leurs relations, avant que la famille de Louise fût ruinée, et des efforts que cet homme excellent a faits en silence, pour assurer son existence et celle de Louise. Une scène entre la comtesse, Louise et le conseiller donne occasion de connaître plus à fond trois beaux caractères, et d’avance nous dédommage, en quelque façon, de ce que nous aurons à souffrir dans les scènes suivantes. Car on voit ensuite se réunir, autour de la table où le thé est servi par Louise, presque tous les personnages, tellement qu’à la fin les paysans eux-mêmes sont introduits. Alors, comme on ne peut s’empêcher de parler politique, le baron, qui ne saurait cacher sa légèreté, son étourderie et son persiflage, propose de représenter, à l’instant même, une assemblée nationale. Le conseiller est élu président, et les caractères des personnages, tels qu’on les connaît déjà, se développent avec plus de force et de liberté. La comtesse, ayant auprès d’elle son jeune fils, la tête bandée, représente la princesse, dont l’autorité doit être amoindrie, et qui, personnellement, par ses inclinations libérales, est disposée à céder. Le conseiller, sage et modéré,