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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/248

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LE BARON.

Caroline !… N’êtes-vous pas là ? (Il entre.) Point de bruit. Où suis-je ? Que je n’aille pas me fourvoyer ! Juste vis-à-vis de la fenêtre, est la chambre à coucher du père, et ici, à droite, à la cloison, la porte de la chambre de la fille. (Il tâtonne de côté et trouve la porte.) C’est ici ; elle n’est qu’appuyée. Oh ! comme l’aveugle Cupidon sait bien se retrouver dans l’obscurité.

(Il entre.)
BRÊME.

Dans le piége ! (Il ouvre la lanterne, court à la porte de la chambre et pousse le verrou.) Fort bien, et le cadenas est déjà prêt. (Il pose un cadenas.) Et toi, coquine, c’est ainsi que tu me trahis ?

CAROLINE.

Mon père !

BRÊME.

Que tu sais feindre avec moi la confiance ?

LE BARON, de la chambre voisine.

Caroline ! Que veut dire cela ?

CAROLINE.

Je suis la plus malheureuse fille qui soit sous le soleil !

BRÊME, haut, devant la porte.

Cela veut dire que vous coucherez là, mais seul.

LE BARON.

Scélérat !… Ouvrez, monsieur Brême ! La plaisanterie vous coûtera cher.

BRÊME.

C’est plus qu’une plaisanterie, c’est l’amère vérité.

CAROLINE, à la porte.

Je suis innocente de la trahison.

BRÊME.

Innocente ?… Trahison ?…

CAROLINE, à genoux devant la porte.

Ô mon bien-aimé, si tu pouvais voir comme je suis ici prosternée devant le seuil ; comme je me tords les mains de désespoir ; comme je prie mon père cruel !… Ouvrez, mon père… Il n’écoute pas, il ne me regarde pas. Ô mon bien-aimé, ne me soupçonne pas : je suis innocente.