Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/309

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cheveux, et, comme un rayon de soleil trop ardent, qui frapperait ma tête, elle consume dans mon cerveau la puissance de la pensée. Une fiévreuse ardeur agite mon sang. Grâce ! C’en est trop !

Éléonore.

Ce rameau protége au contraire la tête de l’homme qui doit marcher dans les brûlantes régions de la gloire, et il rafraîchit le front.

Le Tasse.

Je ne suis pas digne de sentir le rafraîchissement, qui ne doit récréer de son haleine que le front des héros. Ô dieux, enlevez-la cette couronne, et la transfigurez au sein des nuages ; qu’elle plane à des hauteurs immenses, inaccessibles ; que ma vie soif une marche continuelle vers ce but.

Alphonse.

Celui qui obtient de bonne heure apprend de bonne heure à estimer la haute valeur des biens aimables de cette vie ; celui qui jouit de bonne heure ne renonce jamais volontairement à ce qu’il posséda une fois ; et celui qui possède doit être armé.

Le Tasse.

Et celui qui veut prendre les armes doit sentir dans son cœur une force qui ne lui manque jamais. Ah ! elle me manque à cet instant même. Elle me délaisse dans le bonheur la force native, qui m’apprit à lutter constamment avec le malheur, fièrement avec l’injustice. La joie, les transports de ce moment ont-ils consumé la moelle de mes os ? Mes genoux fléchissent. Ô princesse, tu me vois encore prosterné devant toi. Exauce ma prière ; ôte-moi cette couronne. Comme réveillé d’un beau songe, que je sente une vie fortifiée, une vie nouvelle !

La Princesse.

Si tu sais porter avec une tranquille modestie le talent que les dieux t’ont donné, apprends aussi à porter ces rameaux, le plus beau don que nous puissions te faire. Celui qu’ils ont une fois couronné dignement les verra toujours se balancer autour de son front.

Le Tasse.

Eh bien, souffrez que, dans ma confusion, je m’éloigne d’ici. Souffrez que je cache mon bonheur dans ce bocage épais,