Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/398

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ces paroles sont incompréhensibles pour moi !

LE ROI.

Ah ! n’apprends pas trop vite à les comprendre ! Je t’ouvre, de ma propre main, les portes de notre maison royale ; je t’y introduis sur des pavés de marbre glissant. Tu es encore étonnée ; tout te surprend, et tu ne présages, dans ces profondes demeures, que dignité tranquille et contentement. Tu trouveras autre chose ! Oui, tu es venue en un temps où ton roi ne te conviera point ù une joyeuse et riante fête, lorsqu’il célébrera prochainement le jour qui lui donna la vie : mais, à cause de toi, ce jour me doit être agréable : là je te verrai dans une grande assemblée, et tous les yeux seront fixés sur toi. La nature te donna le plus bel ornement : laisse Ion père, laisse ton roi veiller à ce que la parure soit digne de la princesse.

EUGÉNIE.

Les cris éclatants de la joyeuse surprise, les vives démonstrations de gestes expressifs pourraient-ils témoigner le ravissement que tu as fait naître dans mon cœur ? Laisse-moi, seigneur, me taire à tes pieds. (Elle veut se mettre à genoux.)

Le Roi, la retenant.

Tu ne dois pas plier le genou.

EUGÉNIE.

Laisse-moi, oh ! laisse-moi goûter ici le bonheur du plus parfait dévouement. Si, dans les moments rapides où le courage nous enflamme, nous restons debout, et, prompts et hardis, nous prenons une joyeuse confiance en nous-mêmes, comme en notre propre soutien, alors la terre et le ciel semblent nous appartenir ; mais ce qui, dans les moments d’extase, fait ployer les genoux, est aussi un doux sentiment ; et ce que nous voudrions offrir, en pur sacrifice d’actions de grâces, d’amour sans bornes, à notre Dieu, notre roi, notre père, c’est dans cette attitude qu’on l’exprime le mieux. (Elle se prosterne devant lui.) Le Duc. Il se met aussi à genoux.

Permets-moi de renouveler mon hommage.

EUGÉNIE.

Reçois-nous pour tes vassaux à jamais.