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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/401

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LE DUC.

La douceur du roi produit l’audace.

EUGÉNIE.

De quelle noblesse la nature l’a doué !

LE DUC.

Mais elle l’a placé trop haut.

EUGÉNIE.

Et elle lui a départi tanrde vertus !

LE DUC.

Pour la famille, non pour le gouvernement.

EUGÉNIE.

C’est le rejeton d’une antique souche de héros.

LE DUC

La force manque peut-être au rejeton tardif.

EUGÉNIE.

Nous sommes là pour suppléer à sa faiblesse.

LE DUC

Pourvu qu’il ne méconnaisse pas notre force.

Eugénie, pensive. Ses discours me font naître un soupçon.

Le Duc

Quelle est ta pensée ? Ouvre-moi ton cœur.

Eugénie, après un moment de silence. Toi aussi, tu es au nombre de ceux qu’il craint.

LE DUC

Qu’il craigne ceux qui sont à craindre.

EUGÉNIE.

Des ennemis secrets le menaceraient-ils ?

LE DUC

Celui qui cache le danger est un ennemi. Sur quel sujet sommes-nous tombés ? Ma fille, comme l’accident le plus extraordinaire nous a entraînés tout à coup vers le but ! Je parle sans y être préparé ; avec ma précipitation, je t’égare au lieu de t’éclairer. Ainsi le paisible bonheur de la jeunesse devait .s’évanouir pour toi, dès ton entrée dans la vie. Tu n’as pu goûter, dans une douce ivresse, une satisfaction décevante. Tu touches au but, mais les épines cachées d’une trompeuse couronne déchirent ta main. Chère enfant, il ne devait pas en être ainsi.