Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/423

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A la femme prudente qui nous appartient.

L’abbé.

Dans quels lieux l’avez-vous envoyée ?

LE SECRÉTAIRE.

Dans un port, à l’extrémité de ce royaume.

L’abbé.

De là elle doit passer dans le plus lointain pays ?

LE SECRÉTAIRE.

Un vent favorable l’emmènera bientôt.

L’abbé.

Et ici elle doit à jamais passer pour morte ?

LE SECRÉTAIRE.

C’est toi qui es chargé de faire ce conte.

L’abbé.

Il faut que, dès le premier instant, l’erreur agisse puissamment pour tout l’avenir ; il faut que l’imagination soit glacée d’horreur devant sa fosse, devant son cadavre. Je déchirerai en mille lambeaux l’image chérie, et j’imprimerai en traits de feu ce malheur dans la mémoire de l’auditeur épouvanté. Elle est perdue pour tous ; elle s’évanouit dans le néant de la poudre. Chacun tourne bientôt ses regards vers la vie," et, dans l’ivresse des impatients désirs, oublie qu’elle aussi elle passa dans la foule des vivants.

Le Secrétaire.

Tu te mets à l’œuvre avec beaucoup d’audace : ne crains-tu dans la suite aucun repentir ?

L’abbé.

Quelle question me fais-tu là ? Nous sommes décidés ! Le Secrétaire.

Un malaise intérieur accompagne souvent l’action, même contre notre volonté.

L’abbé.

Qu’entends-je ? Toi, scrupuleux ? Ou veux-tu seulement m’éprouver, pour savoir si vous avez réussi à me former parfaitement, moi, votre disciple ?

LE SECRÉTAIRE.

On ne réfléchit jamais assez aux choses importantes.




L’abbé.

Que