Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/426

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dépouillé, désert et vide ! Comme il est consumé, changé en vastes ruines, l’asile de mon bonheur !




LE SECRÉTAIRE.

Si chacun des tiens, qui, à cette heure, souffrent avec toi, pouvait porter une partie de tes douleurs, tu te sentirais soulagé et fortifié.

LE DUC.

La douleur que cause l’amour reste indivisible et infinie comme l’amour même. Je sens quel affreux malheur atteint celui qui perd son bien accoutumé, son bien de chaque jour ! Oh ! pourquoi laissez-vous paraître encore devant moi, avec leurs couleurs et leurs dorures, les murailles connues qui me rappellent froidement la veille, l’avant-veille et l’ancien état de mon bonheur parfait ! Oh ! pourquoi ne voilez-vous pas ces chambres et ces salles de crêpes funèbres, afin que, ténébreuse comme ma pensée, une ombre éternelle m’enveloppe de toutes parts !

LE SECRÉTAIRE.

Tant de biens qui te restent devraient pourtant, après cette perte, te sembler quelque chose.

LE DUC

Ce n’est plus qu’un songe terrestre et inanimé. Elle était l’ame de toute cette maison. Comme autrefois l’image de l’aimable enfant volait au-devant de moi à mon réveil ! Ici je trouvais souvent, pour salut matinal, une feuille écrite de sa main, une feuille pleine d’esprit et de tendresse.

LE SECRÉTAIRE.

Combien de fois son désir de te plaire ne s’exprima-t-il pas poétiquement en rimes précoces !

LE DUC.

L’espérance de la voir donnait leur unique charme aux heures d’une pénible journée.

LE SECRÉTAIRE.

Que de fois, s’il survenait un obstacle, un retard, on t’a vu tourner les yeux vers elle, comme l’ardent jeune homme vers son amante !

LE DUC

Mais ne compare pas la passion du jeune homme, qui saisit,

GŒTIIE. — TH. H 27