Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée





avec une ardeur dévorante, une jouissance égoïste, au sentiment du père, qui, livré à l’extase, plongé secrètement dans une sainte contemplation, observe avec joie le développement de merveilleuses facultés et les progrès étonnants de la culture ! Aux transports de l’amour il faut l’heure présente ; mais l’avenir est le trésor du père. Là sont les vastes champs de son espérance ; là germent les jouissances qu’il a semées. •

LE SECRÉTAIRE.

O douleur ! Tu as perdu maintenant cette joie immense, ce bonheur toujours nouveau !

LE DUC.

L’ai-je perdu ? Tout à l’heure encore, il était devant moi dans tout son éclat. Oui, je l’ai perdu ! Tu me le rappelles, malheureux ; cette heure vide me le rappelle encore. Oui, je l’ai perdu ! Coulez donc, mes pleurs ! Que la douleur détruise ce corps robuste, épargné jusqu’à ce jour par les années trop favorables. Je hais tout ce’qui subsiste ; je hais ce qui se montre à moi, fier de sa durée ; j’aime ce qui passe et chancelle. Flots, enflez-vous ; déchirez les digues ; faites du pays une mer ! Mer furieuse, ouvre tes abîmes ! Engloutis les vaisseaux, les hommes et les trésors ! Répandez-vous au loin, bandes guerrières ; entassez morts sur morts dans les campagnes sanglantes ! Allumez-vous dans l’espace, foudres du ciel, et frappez les orgueilleuses têtes des tours audacieuses ! Que la fureur de la flamme les détruise, les embrase, et dévaste au loin les villes en tumulte, afin que, environné de tous les désastres, je me résigne au sort qui m’a frappé !

LE SECRÉTAIRE.

Noble seigneur, cette cal amité inattendue t’accable horriblement.

LE DUC.

Elle m’a surpris, mais je fus averti. Un bon génie permit que ma fille se réveillât dans mes bras d’entre les morts. Il me montra, avec mérragement, et comme au passage, un affreux malheur, désormais éternel. Alors j’aurais dû punir la témérité, m’opposer par mes réprimandes à l’audace ; interdire cette fureur, qui, se croyant immortelle, invulnérable, rivalisant avec l’oiseau, à travers forêts, rivières et buissons, se précipite aveuglément d’un rocher !




LE SECRÉ