Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/431

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Il y eut un moment où elle souffrait, un moment où elle appelait du secours. Et moi ? Où étais-je alors ? Quelle affaire, quel plaisir m’enchaînait ? Rien ne rn’a-t-il annoncé l’horrible événement qui déchirait ma vie ? Je n’ai pas entendu le cri, je n’ai pas senti le coup fatal qui me frappait sans remède. la sainte, la lointaine sympathie du pressentiment n’est qu’une fable : sensuel et endurci, renfermé dans le présent, l’homme sent le bien, il sent le mal qui le touchent, et l’amour même est sourd dans l’absence.

L’abbé.

Quelle que soit la force des paroles, je sens combien peu elles sont capables de consoler.

LE DUC.

Les paroles blessent plus facilement qu’elles ne guérissent, et, par des redites éternelles, le chagrin s’efforce vainement de faire revivre le bonheur perdu. Aucun secours, aucun remède ne fut donc capable de la rappeler à la vie ? Qu’as-tu fait, dis-lemoi ? Qu’as-tu essayé pour la guérir ? Assurément tu n’as rien négligé.

L’abbé.

Hélas ! on ne pouvait plus songer à rien au moment où je la trouvai.

LE DUC.

Et je dois donc pleurer pour jamais l’aimable force de sa vie ! Laisse ma douleur se tromper elle-même, et assurer à ces restes la durée. Oh ! viens ! Où reposent-ils ?

L’abbé.

Son cercueil est gardé à part dans une sainte chapelle. De l’autel je vois chaque fois la place à travers la grille ; je prierai pour elle aussi longtemps que je vivrai.

LE DUC

Oh ! viens et conduis-moi dans ce lieu ! Le plus habile médecin nous accompagnera. Dérobons ce beau corps à la destruction. Conservons, avec les aromates les plus rares, cette image inestimable ! Oui, que les atomes qui composèrent un jour cette admirable figure ne retournent pas aux éléments.