Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/450

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un bien balance le mal et de promptes douleurs nos plaisirs. Rien n’est permanent. Beaucoup de dissonances, insensiblement et avec la course des jours, se résolvent par degrés en harmonie, et l’amour sait rapprocher les plus grandes distances, rapprocher la terre du ciel.




EUGÉNIE.

Tu crois me bercer par de vains songes.

LE CONSEILLER.

Tu es sauvée, si tu peux y croire.

EUGÉNIE.

Montre-moi donc l’image fidèle de mon libérateur.

LE CONSEILLER.

Je te la montre : il t’offre sa main.

EUGÉNIE.

Toi ? Quelle fantaisie t’a surpris ?

LE CONSEILLER.

Mes sentiments sont fixés pour jamais.

EUGÉNIE.

Un moment fait-il de tels prodiges ?

LE CONSEILLER.

Le miracle est fils du moment.

EUGÉNIE.

Et l’erreur est aussi fille de la précipitation.

LE CONSEILLER.

Un homme qui t’a vue ne s’égare plus.

EUGÉNIE.

L’expérience est toujours la maîtresse de la vie. •

LE CONSEILLER.

Elle peut égarer, mais le cœur décide. Oh ! laisse-moi te dire comme, il y a quelques heures, je délibérais en moi-même et me sentais solitaire ; comme je considérais toute ma position, mes biens, mon état, mes affaires, et cherchais autour de moi une épouse. L’imagination me présentait maintes figures, en choisissant parmi les trésors du souvenir ; elles passaient, charmantes, devant moi ; mon cœur ne se portait vers aucune : tu parais ; je sens maintenant ce qui me manquait. C’est ma destinée.




EUGÉNIE.