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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/449

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tait loin de moi, dans le temps de mon bonheur : maintenant je ne puis en supporter l’approche. Mon souci, mon saisissement, ne font que s’en accroître. C’est de la main de mon père, de mon roi, que je devais un jour attendre un époux. Mon regard ne le cherchait pas, avant le temps, autour de moi, et aucun penchant ne se forma dans mon cœur. Maintenant il faut que je pense à ce qui jamais n’occupa ma pensée ; il faut que je sente ce que la pudeur m’a fait repousser ; il faut que je souhaite un époux, avant qu’il se soit oifert un homme digne d’être aimé et digne de moi ; et ce bonheur, que nous promet l’hyménée, il faut le profaner, et en faire la ressource de ma détresse.

LE CONSEILLER.

Une femme confie avec assurance à un honnête homme, fûtil même étranger, sa destinée incertaine. Il n’est pas étranger celui qui sait compatir. Et un opprimé s’attache promptement à son libérateur. Ce qui, dans le cours de la vie, unit et enchaîne l’épouse à son époux, cette assurance qu’elle ne manquera jamais de conseil, de consolation, d’appui et de secours : par u-ne action hardie, l’homme courageux l’inspire en un moment, et pour toujours, au cœur de la femme environnée de dangers.

EUGÉNIE.

Et ce héros où s’est-il montré à moi ?

LE CONSEILLER.

La foule des hommes est grande dans cette ville.

EUGÉNIE.

Mais à tous je suis et je resterai inconnue.

LE CONSEILLER.

Un tel regard ne reste pas longtemps ignoré.

EUGÉNIE.

Oh ! n’abuse pas une espérance facile à séduire ! Où se trouverait un homme, mon égal, qui voulût m’offrir sa main dans mon abaissement ? Pourrais-je avoir, même à un égal, l’obligation d’un tel bonheur ?

LE CONSEILLER.

Beaucoup de choses paraissent inégales dans la vie, mais bientôt, et sans qu’on l’ait prévu, elles s’égalisent. Dans une révolution éternelle,