vigilant amour maternel. Es-tu donc entièrement changée ? Au dehors, tu me parais toujours la même, toujours ma bienaimL’e ; mais on dirait ton cœur transformé. C’est encore à toi que mes prières demandaient si souvent de grandes ou de petites faveurs, à toi, qui ne me refusais rien. Le sentiment filial du respect accoutumé m’instruit maintenant à solliciter de toi la grâce la plus importante. Et serait-ce m’abaisser de t’invoquer au lieu de mon père, de mon roi, de mon Dieu, et de te demander à genoux ma délivrance ? (Elle s’agenouille.)
LA GOUVERNANTE.
Dans cette position, tu nu sembles que feindre et te railler de moi. La fausseté ne me touche point. (Elle relève Eugénie brusquement.)
EUGÉNIE.
Me faut-il subir, me faut-il essuyer de toi une parole si dure, un si cruel traitement ? Et tu dissipes violemment mon rêve. Je vois clairement mon sort. Ce n’est pas ma faute, ce n’est pas la discorde des grands, c’est la ruse de mon frère qui m’a chassée, et, conjurée avec lui, tu me tiens dans l’exil.
LA GOUVERNANTE.
Ton erreur est complète à tous égards. Ton frère, que peut-il entreprendre contre toi ? Il a les mauvaises intentions et non la puissance.
EUGÉNIE.
Quoi qu’il en soit, je ne languis pas encore dans les solitudes sans ressources de lointains déserts. Un peuple vivant s’agite autour de moi,un peuple aimant, qui apprendra avec allégresse le nom de mon père par la bouche de son enfant. Je les invoquerai : un cri puissant, sorti de la multitude grossière, m’annoncera ma liberté.
LA GOUVERNANTE.
La multitude grossière, tu ne l’as jamais connue. Elle regarde et s’étonne et balance et laisse faire ; et, si elle se lève, elle achève sans bonheur ’ce qu’elle a commencé par hasard et sans dessein.
EUGÉNIE.
Tu ne détruiras pas ma confiance par de froides paroles, comme mon bonheur par une action téméraire. Là-bas j’espère