Ce malheur, prévu ou imprévu, nous a enveloppées l’une et l’autre dans le même filet.
EUGÉNIE.
Puis-je savoir quelle sera ta récompense, pour avoir perdu ta malheureuse élève ?
.LA GOUVERNANTE.
Elle m’attend sur la rive étrangère. La voile s’enfle et nous emmènera toutes deux.
EUGÉNIE.
Le navire ne m’a pas reçue encore dans sa prison : devrais-je partir volontairement ?
LA GOUVERNANTE.
Et n’as-tu pas invoqué déjà le secours du peuple ? Il n’a fait que te regarder avec étonnement, et se taire et s’éloigner.
EUGÉNIE.
Troublée par mon affreuse détresse, j’ai paru aux yeux du vulgaire en proie au délire. Mais ni tes paroles ni ta violence n’arrêteront mes courageuses démarches pour obtenir du secours. Les premiers personnages de cette ville sortent de leurs maisons, pour aller sur la plage admirer les vaisseaux qui, rangés à la file, gagnent, contre nos vœux, la haute mer. Déjà la garde se met en mouvement au palais du gouverneur ; c’est lui qui, accompagné d’une suite nombreuse, descend les degrés. Je veux lui parler, lui exposer le cas, et, s’il est digne de présider, en la place de mon roi, aux plus grandes affaires, il ne me renverra pas sans m’avoir entendue.
LA GOUVERNANTE.
Je ne t’empêche pas de faire cette démarche ; mais n’articule aucun nom : conte seulement l’affaire.
EUGÉNIE.
Je ne dirai pas le nom, avant de pouvoir me confier.
LA GOUVERNANTE.
G’est un noble jeune homme, et il fera pour toi volontiers, avec bienséance, ce qu’il pourra.
SCÈNE IL