LES PRÉCÉDENTS, LE GOUVERNEUR, OFFICIERS.
EUGÉNIE.
Oserai-je t’arrêter au passage ? Pardonneras-tu à une audacieuse étrangère ?
Le Gouverneur, après avoir observé Eugénie attentivement.
Qui se recommande, comme toi, au premier regard, est assuré du plus gracieux accueil.
EUGÉNIE.
Elle n’est pas riante et gracieuse l’affaire que je viens t’exposer : c’est la dernière détresse qui m’amène devant toi.
LE GOUVERNEUR.
S’il est possible de l’écarter, je m’en ferai un devoir ; si l’on ne peut que l’adoucir, nous y veillerons.
EUGÉNIE.
Ta suppliante est sortie d’une illustre maison ; mais, hélas ! elle se présente sans pouvoir se nommer.
LE GOUVERNEUR.
Un nom s’oublie ; une figure comme la tienne se grave, d’une manière ineffaçable, dans la mémoire.
EUGÉNIE.
La force et la ruse m’arrachent, m’entraînent, me chassent, du sein de mon père, sur l’affreux Océan.
LE GOUVERNEUR.
Quel ennemi oserait porter sur cette image de la paix une main profane ?
EUGÉNIE.
Moi-même je n’ai que des soupçons. Ce coup imprévu me vient de ma propre maison. Conduit par l’intérêt et par de mauvais conseils, un frère a médité ma perte, et cette femme, qui m’a élevée, prête, sans que je devine pourquoi, son assistance à mes ennemis.
LA GOUVERNANTE.
C’est elle que j’assiste, et j’adoucis une grande souffrance, que, par malheur, je ne puis guérir.
EUGÉNIE.