Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/75

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I.

La chambre du Chanoine : au fond, une cheminee, aux deux côtés de laquelle sont deux portraits de grandeur naturelle, l’un d’un homme âgé, l’autre d’une jeune dame.

Le Chanoine, seul. Il tient des papiers à la main.

Princesse adorée, dois-je reparaître une fois encore devant tes beaux yeux, le cœur plein de joie et d’espérance ? L’amour, qui ose élever jusqu’à toi ses regards, peut-il enfin attendre de tes lèvres quelque consolation ?… Je flotte encore dans l’incertitude. (Montrant les papiers.) Les voilà devant moi ces lignes précieuses ; je reconnais ta main ; je devine tes sentiments : mais ce n’est encore qu’une politesse générale ; sur ces feuilles, pas encore une syllabe de ce que je désire si passionnément…. Insensé, et que veux-tu donc ?… N’est-ce pas assez qu’elle t’écrive ? qu’elle t’en écrive autant ?… Son chiffre tout seul ne serait-il pas déjà un témoignage de ses sentiments heureusement changés ?… Changés ?… Non, elle n’a jamais changé. Elle s’est tue lorsqu’on m’a écarté ; elle a dissimulé pour me servir. Elle me récompense maintenant en redoublant de confiance, et trouvera bientôt l’occasion de me relever…. Elle désire le riche collier ; elle me donne la commission de lui procurer ce joyau, à l’insu de son père ; elle m’envoie sa garantie ; elle restera toujours en rapport avec moi pour les payements : j’avancerai volontiers le premier, terme, pour l’attacher à moi plus fermement encore…. Oui, tu seras…. tu seras…. Osé-je le dire en présence de ton image ?… Tu seras à moi !… Quelle parole !… Quelle pensée !… Déjà la joie la plus pure remplit de nouveau mon cœur. Oui, cette