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SCÈNE I.

Foerster.

Avoue cependant que l’ensemble compose un fort aimable jeune homme.

Dorn.

Eh ! nous en savons quelque chose. Éléonore est douce et pleine de sentiment, avec cela active, ménagère, mais elle n’est pas sans vanité. Elle aime Edouard assurément, cependant elle se laisse gagner quelquefois à la mauvaise humeur ; elle montre un caractère grondeur, qui ne peut s’accorder avec la vivacité d’Edouard : ainsi éclatèrent souvent, durant l’heureux temps de l’amour et des fiançailles, des querelles, des contrariétés et de mutuels mécontentements.

Foerster.

Cela s’apaisera après la noce.

Dorn.

Je voudrais que ce fût avant, et c’est justement l’objet de cette singulière entreprise. J’ai souvent rendu ces jeunes gens attentifs à leurs défauts, et demandé que chacun reconnût le sien ; qu’ils apprissent à céder, à s’accorder mutuellement. Je parlais en l’air. Cependant je ne pouvais m’empêcher de répéter mes exhortations, et, il y a huit jours, les trouvant plus obstinés que de coutume, je leur représentai sérieusement la sottise et l’inconvenance de leur conduite, puisque d’ailleurs, une fois pour toutes, ils ne pouvaient durer et vivre l’un sans l’autre. Ils prirent la chose un peu haut, et assurèrent qu’il leur serait bien possible d’exister l’un sans l’autre, et de vivre, séparément, chacun pour soi.

Foerster.

Tel est le langage ordinaire, mais on ne fait pas le brave longtemps.

Dorn.

C’est aussi comme cela que je pris la chose : j’en plaisantai, je menaçai de mettre leurs dispositions à l’épreuve, afin de voir lequel rechercherait l’autre le premier, lequel se rapprocherait le premier de l’autre. La vanité fut mise enjeu, et chacun assura qu’il montrerait, en pareil cas, la plus inébranlable fermeté.