Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/142

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Ah ! quel ravissement, à cette vue, s’empare soudain de tout mon être ! Je sens la jeune et sainte volupté de la vie, qui se rallume et ruisselle dans mes nerfs et mes veines. Un dieu a-t-il tracé ces caractères, qui apaisent mon trouble intérieur, remplissent de joie mon pauvre cœur, et, par un mouvement secret, dévoilent autour de moi les forces de la nature ? Suis-je un dieu ? Pour moi tout s’éclaircit. Je contemple, dans ces purs caractères, la nature créatrice, qui se révèle à mon âme. Aujourd’hui, pour la première fois, je reconnais la vérité des paroles du sage : «. Le monde des esprits n’est point fermé ; ton intelligence est enchaînée, ton cœur est mort…. Courage, disciple, baigne, sans te lasser, ton sein terrestre dans les feux de l’aurore. » (II contemple le signe.)

Comme tout s’agite pour l’œuvre universelle ! Comme une chose opère et vit dans l’autre ! Comme les puissances célestes montent et descendent, et se passent de main en main les sceaux d’or, s’élancent du ciel sur la terre, avec leurs ailes d’où la bénédiction s’exhale, et font retentir de sons harmonieux tout l’univers !

Quel spectacle ! Mais, hélas ! ce n’est qu’un spectacle. Où te saisir, na’.ure infinie ? Et vous, mamelles, sources de toute vie, auxque.les sont suspendus le ciel et la terre, vers qui se presse la poitrine flétrie…. vous ruisselez, vous abreuvez, et je languis en vain ? ’.Il feuillette le livre avec chagrin, et aperçoit le signe de l’Esprit de la terre.)

Comme ce signe agit autrement sur moi ! Tu es plus près de moi, esprit de la terre. Déjà je sens mes forces grandir ; déjà je brûle, comme enivré de vin nouveau ; je’me sens le courage de m’aventurer dans le monde, de supporter le mal terrestre, le bonheur terrestre, de lutter contre les tempêtes et de ne pas trembler dans les craquements du naufrage. Le ciel se couvre de nuages…. la lune cache sa lumière…. la lampe se meurt…. elle fume…. de rouges éclairs flamboient autour de ma tête…. un frisson d’horreur souffle de la voûte et me saisit…. Je le sens, tu voltiges autour de moi, esprit que j’implore. Dévoiletoi. Ah ! comme mon cœur est déchiré ! Tous mes sens bouleversés s’ouvrent à des impressions nouvelles. Je sens que mon cœur se livre entièrement à toi. Viens, viens, dùt-il m’en coûter la vie ! (Il prend