Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/145

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discours, qui sont si brillants, dans lesquels vous enjolivez les vétilles humaines, sont stériles comme le vent brumeux qui murmure en automne à travers les feuilles sèches.

WAGNER.

Ah ! Dieu, l’art est long et notre vie est courte. Souvent, dans mes recherches critiques, je sens ma tète et mon cœur se troubler. Quelles difficultés pour acquérir les moyens de remonter aux sources ! Et, avant d’avoir fait seulement la moitié du chemin, un pauvre diable peut bien mourir.

FAUST.

Le parchemin est-il la source sacrée dont les flots apaisent la soif à jamais ? Tu n’as point trouvé le rafraîchissement, s’il ne coule pour toi de ton propre cœur.

WAGNER.

Pardonnez-moi, c’est une grande jouissance de se transporter dans l’esprit des temps passés ; de voir comment un homme sage a pensé avant nous, et comment nous avons fait à notre tour de magnifiques progrès.

FAUST.

Oh ! oui, jusqu’aux étoiles ! Mon ami, les temps passés sont pour nous un livre scellé de sept sceaux. Ce que vous appelez l’esprit des temps, est au fond l’esprit même de ces messieurs, dans lequel les temps se réfléchissent. Car, en vérité, c’est souvent une misère : on prend la fuite au premier coup d’oeil… Un vase à balayures, un vieux garde-meuble, et *out au plus un grand drame historique[1], avec de ces excellentes maximes morales, qui vont si bien dans la bouche des marionnettes.

WAGNER.

Mais le monde !… le cœur et l’esprit de l’homme !… chacun voudrait bien en savoir quelque chose.

FAUST.

Oui, ce qu’on appelle savoir. Qui ose nommer l’enfant par son vrai nom" ? Le petit nombre de ceux qui en ont su quelque

  1. Vers la fin du XVIIe siècle, des comédiens ambulants, la plupart étudiants, sous la direction de Veltheim, jouaient de grandes pièces, soi-disant historiques, où la pédanterie, le faux et l’emphase dominaient. On les désignait sous le nom de Haupt und Staatsaction.