Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/157

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sus la jeune reine paraissait dans le verre, peinte de diverses couleurs… C’était laie remède : les malades mouraient, et nul ne demandait qui avait guéri. Voilà comme avec nos drogues infernales nous avons fait dans ces vallées et ces montagnes bien plus de ravages que la peste. J’ai moi-même donné le poison à des milliers de malheureux. Ils succombaient, et il faut que j’entende faire l’éloge des’audacieux meurtriers !

WAGNER.

Pouvez-vous bien vous affliger de cela ? Un brave homme n’en fait-il pas assez, lorsqu’il exerce en conscience et ponctuellement l’art qui lui fut transmis ? Jeune homme, si tu honores ton père, tu recevras volontiers ses enseignements ; homme fait, si lu agrandis là science, ton fils pourra atteindre un but plus élevé.

FAUST.

Oh ! bienheureux qui peut espérer encore de surnager dans cet océan d’erreurs ! Ce qu’on ne sait pas est justement ce dont on voudrait faire usage, et ce qu’on sait, on ne peut en user. Mais ne troublons pas la jouissance d’une heure si belle par ces tristes pensées. Vois comme dans les feux du soleil couchant brillent les cabanes entourées de verdure ! Il marche et décline, le jour expire, mais le soleil hâte sa course, et fait éclore en d’autres "lieux une vie nouvelle. Oh ! que n’ai-je des ailes, pour m’élever de terre et voler toujours, toujours, après lui ! Je verrais, dans un éternel crépuscule, le monde paisible à mes pieds, toutes les collines enflammées, tous les vallons tranquilles, et les ruisseaux argentés couler dans les fleuves d’or. Elle n’arrêterait pas ma course divine, la montagne sauvage, avec tous ses ravins. Déjà la mer, avec ses golfes attiédis, s’ouvre à mes yeux étonnés. Cependant le dieu semble enfin disparaître ; mais un nouveau désir s’éveille : je vole, pour m’abreuver de sa lumière éternelle, devant moi le jour et derrière moi la nuit, le ciel sur ma tète et les flots sous mes pieds. Quel beau rêve ! et cependant l’astre s’évanouit. Hélas ! des ailes corporelles ne se joindront pas si aisément aux ailes de l’esprit ! Et pourtant il est naturel à chacun de se sentir élevé, entraîné, lorsque, sur nos tètes, perdue dans l’espace azuré, l’alouette gazouille sa chanson bruyante ; que, sur les cimes escarpées, où se dressent