Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/156

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vrer de la fièvre ardente, quand il fit cesser la contagion. Et vous aussi, jeune homme alors, vous alliez chez tous les malades ; on emportait force cadavres, mais vous sortiez toujours sain et sauf ; vous avez soutenu de dures épreuves : le Sauveur de là-haut est venu en aide au sauveur.

TOUS.

Longue vie à l’homme éprouvé ! Que longtemps encore il puisse nous secourir !

FAUST.

Inclinez-vous devant Celui de là-haut, qui enseigne à secourir et envoie le secours ! (Il s’éloigne avec Wagner.)

WAGNER.

Quel sentiment, ô grand homme, doit te faire éprouver la vénération de cette multitude ! Heureux celui qui peut retirer de ses dons un pareil avantage ! Le père te montre à son fils ; chacun s’informe et s’avance et s’empresse ; le violon se tait, le danseur s’arrête. Tu marches : ils font la haie, les bonnets volent en l’air, et peu s’en faut que les genoux ne se ploient, comme au passage du saint sacrement.

FAUST.

Montons quelques pas encore jusqu’à cette pierre. Nous nous y reposerons de notre promenade. Là je vins souvent m’asseoir, rêveur et solitaire, et je me mortifiais par la prière et le jeûne, riche d’espérance, ferme dans la foi ; avec mes larmes, mes soupirs, mes mains jointes, je croyais obtenir du Seigneur des cieux la fin de cette peste. Les acclamations de la foule retentissent maintenant à mes oreilles comme une moquerie. Oh ! si tu pouvais lire dans mon âme combien peu le père et le fils ont mérité une pareille gloire ! Mon père était un honnête homme obscur, qui, de bonne foi, mais à sa manière, méditait avec une ardeur bizarre sur la nature et ses saintes sphères ; qui, en compagnie d’adeptes, s’enfermait dans sa noire cuisine, et, d’après d’innombrables recettes, mêlait ensemble les contraires. C’était un lion rouge[1], hardi prétendant, marié avec le lis, dans le bain tiède, et puis tous deux, par un ’feu libre et flamboyant, rejetés d’une chambre nuptiale dans une autre. Là-des-

  1. Jargon d’alchimie.