Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/298

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Ici un ami est devenu ennemi : je connais déjà son masque. Celui-ci voulait m’égorger : maintenant, découvert, il s’esquive.

Ah ! que volontiers, par le premier chemin, je fuirais loin de ce monde ! Mais sur l’autre bord le néant menace : il me tient entre les ténèbres et l’horreur.

L’espÉrance.

Je vous salue, sœurs chéries ! Hier et aujourd’hui vous avez déjà pris le plaisir de la mascarade ; mais, je le sais certainement, demain vous quitterez toutes vos masques, et, si nous ne trouvons pas un singulier plaisir à la clarté des flambeaux, nous irons, dans les beaux jours, au gré de notre fantaisie, tantôt réunies, tantôt solitaires, nous promener en liberté dans les belles campagnes ; selon notre envie, agir ou nous reposer, et, dans une vie insoucieuse, ne sentir jamais de privations, poursuivre un but sans cesse. Hôtes partout bienvenus, nous entrons avec confiance : assurément le bien suprême doit se trouver quelque part.

LA PRUDENCE. /

Je tiens enchaînées, loin de la multitude, les deux plus grandes ennemies des hommes, la crainte et l’espérance. Faites place : vous êtes sauvés.

Ce colosse vivant, vous voyez, je le mène chargé de tours, et pas à pas il marche, sans se lasser, par des sentiers escarpés.

Mais, là-haut sur le sommet, cette divinité, aux larges ailes, promptes à voler en tous lieux pour la conquête,

La gloire et l’éclat l’environnent, brillant au loin de toutes parts : elle se nomme la victoire, déesse de tous les exploits.

ZOILO-THERSITE ’.

Hou ! hou ! je viens tout à propos. Je vous insulte tous ensemble. Mais celle que j’ai choisie pour point de mire, c’est madame Victoire, que je vois là-haut. Avec ses deux blanches ailes, elle s’imagine qu’elle est un aigle, et, en quelque lieu qu’elle s’avance, elle croit que tout lui appartient, le peuple et le pays : mais, lorsqu’il arrive quelque succès glorieux, je m’échauffe soudain dans mon harnais : le bas en haut, le haut en bas, le courbe droit, le droit tortu, c’est là tout ce qui me rend gaillard ; voilà ce que je veux sur toute la machine ronde.

1. Les deux noms choisis et réunis par Goethe, pour désigner ce personnage, en font pressentir le caractère.

Ccethe. — ut. in 1O