Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/297

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charge, et je sais, en tout cas, empoisonner par le caprice le bonheur le plus doux : l’homme est changeant et changeantes sont les heures.

Nul ne presse dans ses bras ce qu’il désire, sans soupirer follement après ce qu’il désire plus encore dans le sein du bonheur suprême, auquel il s’est accoutumé. Il fuit le soleil et veut réchauffer la glace.

Je sais tirer parti de tout cela, puis j’amène le fidèle Asmodée pour semer à propos le malheur, et j’envoie ainsi, par couples, le genre humain à sa perte.

Tisiphone.

Au lieu de méchantes langues, j’aiguise le poignard, je mêle le poison pour le traître ; si tu*aimes quelqu’un, tôt ou tard ta perte est assurée.

Il faut que le plus doux instant se change en aigreur et en fiel. Ici point de transaction, point .de- traité : comme il a fait l’action, il l’expie.

Que nul ne parle de pardon ! Je fais aux rochers ma plainte ; l’écho répond : « Vengeance ! » et qui change ne vivra pas.

LE HÉRAUT.

Veuillez, je vous prie, vous ranger de côté, car les personnes qui viennent maintenant ne sont pas vos égales. Vous voyez comme une montagne s’approche, les flancs pompeusement revêtus de tapis variés, la tète armée de longues dents et d’une trompe tortueuse : c’est un mystère, mais je vous en donnerai la clef. Sur la nuque elle porte assise une femme gracieuse et délicate, qui la mène parfaitement avec une fine baguette ; l’autre, qui est assise au sommet, majestueuse, auguste, est environnée d’un éclat trop éblouissant pour ma vue. A côté, marchent enchaînées deux nobles femmes, l’une inquiète, l’autre joyeuse à voir…. L’une désire la liberté, l’autre sent qu’elle est libre. Que chacune nous dise qui elle est.

LA PEUR.

Les torches fumantes, les lampes, les flambeaux jettent des lueurs à travers la fête confuse : parmi ces visions trompeuses, hélas ! la chafne me retient.

Éloignez-vous, risibles rieurs ! Vos grimaces éveillent le soupçon ; tous mes adversaires me pressent dans cette nuit.