Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/336

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MÉPHISTOPHÉLÈS.

Je cherchais de l’or enfoui, et n’ai recueilli que d’affreux charbons.

LE BACHELIER.

Avouez que votre crâne pelé ne vaut pas mieux que ces crânes vides.

MÉpfflSTOPHÉLEs, d’un ton doux. Tu ne sais pas peut-être, mon ami, combien tu es grossier.

LE BACHELIER.

En allemand, c’est mentir que d’être poli. MÉphistophÉlÈs, auparterre, après s’être avancé, avec son

fauteuil à roulettes, jusqu’au proscenium. Ici on m’ôte l’air et la lumière : je trouverai bien un refuge parmi vous ?

LE BACHELIER.

Je trouve présomptueux, que, parvenu à la plus fâcheuse période, on veuille être quelque chose, quand on n’est plus rien. La vie de l’homme est dans le sang : et chez qui le sang circule-t-il comme dans le jeune homme ? C’est le sang vivant, dans sa fraîche vigueur, qui produit, avec la vie, une vie nouvelle. Alors tout est mouvement, alors il se fait quelque chose. Le faible tombe, le fort s’avance. Tandis que nous avons conquis la moitié du monde, qu’avez-vous donc fait ? Vous avez sommeillé, médité, rêvé, calculé…. des plans et_toujours des plans ! Assurément la vieillesse est une lièvre froide, dans les glaces d’une morose impuissance. Quelqu’un a-t-il passé trente ans, il est déjà comme mort. Le mieux serait de vous assommer à temps.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Le diable n’a plus ici rien à dire.

LE BACHELIER.

Si je m’y oppose, il n’y a diable qui tienne.

.mÉphistophÉlÈs, à part. 

Cependant le diable te donnera bientôt un croc-en-jambe.

LE BACHELIER.

Telle est la noble vocation de la jeunesse. Le monde n’était pas avant que je l’eusse créé. J’ai tiré le soleil du sein de la mer ; avec moi, la lune a commencé sa course changeante ; le jour étala