Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/344

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NUIT DU SABBAT CLASSIQUE.

Les champs de Pliarsale. — Ténèbres.

ÉR1CHTHO.

Je viens pour l’horrible fête de cette nuit ; je viens, comme je suis souvent venue, moi, la sombre Ërichtho ; mais non pas aussi effroyable que le disent ces misérables poètes, dans leurs hyperboles calomnieuses…. Ils n’en finissent jamais dans l’éloge et le blâme…. Déjà la vallée me semble au loin blanchir par le flot des tentes grisâtres, comme ressouvenir d’une nuit d’angoisse et d’horreur. Combien de fois la lutte s’est-elle déjà répétée !… Elle se répétera de même jusqu’à l’éternité…. Nul ne cède l’empire à l’autre ; nul ne le cède à celui qui l’a conquis par la force et qui règne avec force. Car chacun, sans savoir se gouverner soi-même, n’aimerait que trop à gouverner la volonté du voisin, selon son propre sens orgueilleux…. Mais ici les armes donnèrent un grand exemple : on vit comment la puissance s’oppose à une puissance plus forte ; comment se brise la couronne aux mille fleurs, la belle couronne de la liberté ; comment le dur laurier se plie autour de la tête du dominateur. Ici, Magnus’ rêva les jours florissants de sa première grandeur ; là, César veilla, épiant la balance flottante. La question va se juger. Mais le monde sait à qui le succès demeura. Des feux vigilants s’allument, jetant des flammes rouges. Le sol reflète la vapeur du sang répandu, et, attirée par l’éclat merveilleux, étrange, de cette nuit, se rassemble la légion de la tradition hellénique. Autour de tous les feux voltige incertaine, ou s’assied doucement, une image fabuleuse