Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/360

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poussant, s’efforçant, les bras tendus, le dos courbé, dans la posture d’un Atlas, il soulève le sol, le gazon, la terre, les cailloux, le gravier, le sable et l’argile, couches paisibles de nos rives. De la sorte, il déchire tout un espace, à travers le tranquille tapis du vallon. Infatigable, colossale caryatide, il porte, avec les plus grands efforts, un effroyable amas de pierres, encore enfoui jusqu’au buste. Mais il n’ira pas plus loin : les sphinx ont pris la place.

1. Le tremblement de terre.

SÉISMOS.

C’est moi tout seul qui ai fait cela ; il faudra bien enfin qu’on me l’avoue ; et, si je ne l’avais ébranlé et secoué, ce monde serait-il si beau ?… Vos montagnes, là-haut, se dresseraient-elles dans l’azur de l’éther limpide et magnifique, si je ne les avais soulevées, pour offrir un spectacle piltorcsque et ravissant, lorsque, à la vue de nos grands ancêtres, le Chaos et la Nuit, je me comportai bravement, et qu’associé aux Titans, je jouai comme à la balle avec Ossa et Pélion ? Nous poursuivîmes nos folies avec une ardeur juvénile, jusqu’à ce qu’enfin, lassés, nous posâmes étourdiment sur le Parnasse les deux montagnes, comme un double bonnet…. Apollon en fait maintenant son joyeux séjour avec le chœur des Muses divines. A Jupiter lui-même et à ses foudres, j’ai dressé un trône dans les airs. Maintenant donc, je me suis soulevé, du fond de l’abîme, avec de prodigieux efforts, et j’invite hautement à une vie nouvelle de joyeux habitants.

LES SPHINX.

Il faudrait croire antique ce qui vient ici de s’élever, si nous n’avions pas vu nous-mêmes comme la terre l’a vomi de ses entrailles. Une forêt touffue s’étend au loin ; rochers sur rochers se meuvent et se pressent encore. Un sphinx n’y prendra pas garde : nous ne souffrons pas qu’on nous trouble dans notre demeure sacrée.

LES GRIFFONS.

Je vois de l’or en feuilles, de l’or en paillettes, trembler à travers les crevasses. Ne vous laissez pas dérober un pareil trésor, fourmis : hâtez-vous de le recueillir.

CHOEUR DES FOURMIS.

Puisque les géants en haut l’ont poussé, vous, frétillantes, vite montez !