Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/374

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dure. Si souvent que les faits se soient cruellement condamnés eux-mêmes, le peuple demeure obstiné comme auparavant. Quels avertissements paternels n’ai-je pas-donnés à Paris, avant que sa passion enchaînât une femme étrangère ! Il était là hardiment sur le rivage grec : je lui annonçai ce que je voyais en esprit, les airs chargés de fumée, un déluge de flammes, les poutres embrasées, au-dessous, le carnage et la mort, le dernier jour de Troie, consacré par la poésie, aussi affreux que célèbre dans tous les âges… Les paroles du vieillard semblèrent un jeu au téméraire ; il suivit son désir et llion tomba…. Cadavre gigantesque, glacé après de longues tortures, joyeux festin pour les aigles du Pinde…. Et Ulysse, ne lui prédisais-je pas les ruses de Circé, les fureurs du Cyclope, ses propres hésitations, la légèreté de ses compagnons, que sais-je encore ?… Cela lui a-t-il profité, jusqu’au jaur> assez tardif, où, après mille traverses, les ondes propices le portèrent sur un rivage hospitalier ?

THALÈS.

Une telle conduite est un tourment pour l’homme sage : toutefois celui qui est bon fait encore une tentative. Une drachme de reconnaissance le comblera de joie, et pèsera plus dans la balance que le centuple d’ingratitude. Car ce que nous implorons n’est pas peu de chose : l’enfant que voici a le sage désir de naître.

NÉRÉE.

Ne troublez pas les rares dispositions où je suis. Une tout autre chose m’occupe aujourd’hui. J’ai appelé auprès de moi toutes mes filles, les Grâces de la mer, les Dorides. Ni l’Olympe ni votre monde n’offrent un aussi beau spectacle, qui se déploie ’ avec autant d’élégance. Avec les gestes les plus gracieux, elles s’élancent du dragon marin sur les chevaux de Neptune, si délicatement unies au liquide élément, qu’il semble que l’écume elle-même les soulève. Portée sur la conque de Vénus, aux couleurs chatoyantes, arrive Galatée, maintenant la plus belle, et qui, dès le jour où Cypris nous a délaissés, est elle-même adorée à Paphos comme une déesse ; ainsi la nymphe charmante dès longtemps possède, comme héritière, la cité du temple et le trône du char. Retirez-vous ! A l’heure de la joie paternelle, il ne sied pas d’avoir la haine au cœur, l’invective à la bouche.