Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/391

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Mais nous, mortelles, hélas ! une triste fatalité condamne nos yeux à l’inexprimable douleur que la difformité, l’éternelle disgrâce, éveille chez ceux qui aiment la beauté.

Oui, entends, si tu nous affrontes insolemment, entends les imprécations, entends la menace et l’insulte sortir, avec malédiction, de la bouche des heureux, que les dieux ont formés.

Phorcis.

C’est une vieille maxime, mais d’un sens toujours profond et vrai, que la pudeur et la beauté ne parcourent jamais ensemble, la main dans la main, le vert sentier de la terre. Ch^z l’une et l’autre habite une vieille haine profondément enracinée : aussi, en quelque lieu qu’elles se rencontrent, chacune tourne le dos à son ennemie, et poursuit sa route d’une marche plus vive, la pudeur avec tristesse, la beauté avec orgueil, jusqu’à ce qu’enfin la profonde nuit de l’Érèbe les environne, si l’âge ne les a pas domptées auparavant. Pour vous, effrontées, je vous trouve ici débarquées de l’étranger.avec arrogance, pareilles à une volée de grues criardes et bruyantes, qui, passant sur nos têtes comme une longue nuée, nous envoient du haut des airs leurs voix croassantes, et invitent le paisible voyageur à regarder là-haut ; mais elles passent leur chemin, il poursuit le sien : il en sera pour nous de même. Qui donc êtes-vous, pour oser, sauvages comme des Ménades, pareilles à des personnes ivres, entourer de tumulte le haut palais du roi ? Qui donc êtes-vous, pour hurler contre l’intendante de la maison, comme une troupe de chiens contre la lune ? Imaginez-vous que j’ignore quelle engeance vous êtes ? Jeune race, enfantée pendant la guerre, élevée au milieu des batailles, luxurieuse, séductrice autant que séduite, énervant à la fois la vigueur du guerrier et celle du citoyen ! Quand je vous vois en troupe, vous me semblez un essaim de saute• relies, qui se précipitent pour couvrir les blés verdoyants. Dissipatrices du travail étranger, gourmandes, qui dévorez la prospérité naissante, marchandise pillée, vendue, troquée !

HÉLÈNE. ’

Qui réprimande les servantes en présence de la maîtresse, usurpe témérairement le droit domestique de celle qui règne dans la maison ; car à elle seule appartient d’approuver ce qui est louable, comme de punir ce qui est répréhensible. J’ai été