Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/463

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regarder derrière soi, ils sont installés. La violence une fois subie, une belle résidence les apaisera. (Il siffle : les trois compagnons paraissent.) Venez, comme le maître l’ordonne ; demain vous aurez une fête navale.

LES COMPAGNONS.

Le vieux maître nous a mal reçus : une fôte joyeuse1 nous est due.

MÉphistophÉlÈs, aux spectateurs.

Ici arrive encore ce qui est arrivé depuis longtemps ; car nous avions déjà la vigne de Naboth.

Nuit avancée. Lyncêe est sur le donjon. Il chante.

LYNCÉE. 

Né pour voir, chargé d’observer, voué à la tour, j’aime ce monde. Je regarde au loin, je vois auprès, la lune et les étoiles, la forêt et le chevreuil. Je vois en tout l’éternelle parure, et, comme ces choses me plaisent, je me plais à moi-même aussi. Heureuses prunelles, ce que vous avez vu, tel qu’il puisse être, était bien beau ! (Unepause.)

Ce n’est pas seulement pour me réjouir que je suis si haut placé. Quel objet épouvantable vient m’effrayer du sein des ténèbres ? Je vois jaillir des étincelles à travers la double nuit des tilleuls ; le brasier toujours plus fort s’allume, excité par le courant d’air. Ah ! elle flambe au dedans la fraîche cabane, que la mousse couvrait. On implore de prompts secours ; nul sauveur ne se montre : les bonnes vieilles gens, qui veillaient jadis si soigneusement sur le feu, seront la proie de l’incendie ! Quelle effroyable aventure ! La flamme se déploie ; la toiture noire et moussue est devenue un rouge brasier. Puissent du moins ces bonnes gens se sauver de cette fournaise infernale ! De brillants éclairs dardent leurs langues à travers les feuilles, à travers les rameaux ; les branches sèches, qui brûlentflamboyantes, soudain s’embrasent et tombent avec fracas. O mes yeux, faut-il que vous voyiez cela ! Faut-il que ma vue porte si loin ! La petite chapelle s’écroule sous le choc et le poids des branches. Déjà les cimes sont embrasées de flammes aiguës qui serpentent. Les tiges creuses se consument jusqu’aux racines en charbons ardents. (Longue pause. Chant.) Ce qui charmait les yeux naguère est englouti avec les siècles !

1. Il is trouve ici un calembour intraduisible.