Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/61

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la sainte fureur l’avait épargnée, elle eût été satisfaite de se sauver seule ; elle aurait accepté son sort avec reconnaissance et versé le sang étranger devant l’autel ; elle aurait appelé devoir ce qui était nécessité. Aujourd hui ma bonté éveille dans son sein un vœu téméraire. Vainement j’espérai de me l’attacher : elle médite désormais pour elle un sort indépendant. Elle a gagné mon cœur par la flatterie : maintenant que je lui résisté, elle cherche sa voie par la ruse et la tromperie, et ma bonté lui semble une possession acquise par un long usage.

SCÈNE III.

IPHIGENIE, THOAS.

IPHIGÉNIE.

O roi, tu me demandes : quel motif t’amène vers nous ?

THOAS.

Tu diffères le sacrifice : dis-moi par quelle raison.

IPHIGÉNIE.

J’ai tout exposé clairement à Arcas.

THOAS.

Je voudrais l’apprendre de toi avec plus de détail.

IPHIGÉNIE.

La déesse te donne un délai pour réfléchir.

THOAS.

Il semble opportun pour toi-même ce délai.

IPHIGÉNIE.

Si ton cœur endurci persiste dans cette résolution cruelle, ilfallait ne pas venir. Un roi qui exige un acte inhumain trouve assez de serviteurs qui, pour la faveur et un salaire, s’empressent de partager la malédiction du forfait, et du moins la présence du roi reste sans tache. Il médite la mort dans un nuage gros de tempêtes, et ses messagers lancent’sur la tête du malheureux la flamme homicide. Mais lui, tranquille sur ses sommets, divinité inaccessible, il plane toujours au sein de l’orage.

THOAS.

Ta bouche sacrée fait entendre de sévères accents